Considérés en général comme néfastes pour les jeunes, les jeux vidéo semblent pourtant capables de développer certaines compétences chez les gamers, et qui plus est des compétences transférables dans le travail !
Youtube vient ainsi de publier les résultats d’une enquête statistique réalisée à sa demande par Censuswide en février 2023 auprès de 5525 gamers âgés de 16 à 26 ans (représentatifs de la « Génération Z » ou Gen-Z) et vivant au Royaume-Uni, en Espagne, en France, aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite (KSA).
Réflexion stratégique, résistance à la pression et résolution de problèmes
Selon cette enquête, 46% des joueurs interrogés en France affirment que les jeux vidéo leur permettent d’améliorer la réflexion stratégique, 28% la capacité à rester calme sous la pression et 28% la résolution de problèmes. (Résultats plus complets à télécharger en bas de page*).
L’enquête, purement déclarative, ne comportait aucune vérification scientifique des affirmations des joueurs. Mais Censuswide a complété l’enquête en interrogeant aussi près de 2000 recruteurs sur les mêmes zones et 59% d’entre eux se disent de fait plus enclins à embaucher un amateur de jeux vidéo qu’un non joueur !
Des compétences recherchées en entreprise
Selon 40% de ces recruteurs, en effet, le gaming aiderait à développer des compétences utiles au travail comme la communication, l’adaptabilité, l’envie d’apprendre, l’organisation et la capacité à prendre des initiatives. Et encore pour 40 % des recruteurs français (qui sont sans doute eux-mêmes joueurs), ce sont les jeux vidéo de stratégie et les jeux vidéo multi-joueurs qui ont les meilleures chances de développer ces aptitudes à la collaboration et à l’action.
Ceci a-t-il été validé scientifiquement par des études sérieuses ? Youtube – qui est un acteur de l’industrie du jeu vidéo – dit que son enquête vient corroborer des résultats existants et cite l’universitaire Matthew Barr, maître de conférences en informatique et professeur associé à l’université de Glasgow, auteur du livre Graduate Skills and Game-Based Learning (Compétences des diplômés et apprentissages par le jeu).
Et aussi des compétences cognitives pour mieux apprendre
D’autres chercheurs en neurosciences se consacrent depuis plusieurs années à l’étude des effets du jeu vidéo sur le développement des compétences et en particulier des compétences cognitives (mobilisées dans l’apprentissage scolaire).
C’est le cas de Benoit Bediou, chercheur en neurosciences cognitives à la faculté de psychologie de l’université de Genève. qui a présenté une petite partie de ses résultats lors d’un colloque** auquel j’ai pu assister le 2 février dernier. Le laboratoire « Cerveau et Apprentissage » dont il fait partie a focalisé ses travaux sur les effets des jeux d’action et de tir (du type « Call of Duty ») sur le contrôle attentionnel, c’est-à-dire la capacité à se rendre attentif à quelque chose et à inhiber son impulsivité.
« Dans des jeux de ce type, a expliqué Benoit Bediou , le joueur doit analyser en continu des scènes chargées, complexes au niveau perceptif, et cela sous haute pression temporelle car le rythme des images est rapide. Il doit aussi maintenir une attention globale à toute la scène, mais passer à une attention focale lorsqu’il faut par exemple trouver une arme cachée ou repérer un ennemi ».
Les joueurs de jeux d’action contrôlent mieux leur attention !
Cela donnerait-il aux adeptes de ces jeux des compétences attentionnelles supérieures à celles des non joueurs ? Pour le savoir, les chercheurs de Genève ont constitué deux groupes de personnes similaires : d’un côté les joueurs de jeux vidéo d’action, de l’autre les non joueurs. Et ils leur ont projeté une série d’images en leur demandant de cliquer sur les images de ville et de ne pas cliquer sur les images de montagne. « La tâche est simple mais elle dure 10 minutes et les images passent à rythme rapide à raison d’une par seconde. Il faut donc maintenir son attention et inhiber son impulsivité qui fait cliquer par erreur », explique le chercheur.
Les résultats présentés par Benoit Bediou le 2 février 2023 montrent clairement que les joueurs (en bleu ci-dessous) ont eu plus de réponses correctes que les non joueurs : ils ont donc une meilleure inhibition de l’impulsivité et un meilleur contrôle attentionnel !
Une autre étude a confirmé que cet avantage était bien dû à la pratique des jeux vidéo d’action car d’autres types de jeu vidéo (Tetris, The Sims, Rise of Nation) ne développaient pas ces compétences.
Tous les jeux vidéo n’ont pas les mêmes effets
Globalement, les diverses recherches menées à ce jour constatent donc que des jeux vidéo peuvent développer des compétences cognitives (utilisées par ailleurs dans l’apprentissage) mais avec des différences selon les types de jeu :
- Pratiquement tous les jeux développent des habiletés spatiales
- Certains jeux de stratégie renforcent la résolution de problème
- Les Jeux d’action développent l’attention
Tout cela ne veut pourtant pas dire qu’il faut consacrer tout le temps réservé à vos révisions à faire des jeux vidéo non stop ! Car les effets positifs observés peuvent être annihilés si les temps de jeu sont trop longs ou se font au détriment d’autres activités comme le sommeil ou l’apprentissage de vos cours…
Et dans le prochain post, j’évoquerai la suite de la présentation de Benoit Bediou le 2 février, consacrée à une pratique numérique cette fois délétère pour l’attention : le Media Multi-Tasking ou MMT.
Pour en savoir plus :
. * : Téléchargez la présentation de l’étude de Youtube sur le gaming
. ** : Retrouvez sur Youtube l’enregistrement du colloque ANRT « Construction & organisation des relations partenariales de recherche » du 2 février 2023. Benoit Bediou intervient à 1h42″
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