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Dans le cerveau, l’oral et l’écrit travaillent en équipe !

La lecture mobilise bien sûr les aires visuelles du cerveau, mais en créant des ponts avec les aires auditives sollicitées par le langage oral. Dans notre tête, l'écrit et l'oral jouent dans la même équipe !
Une femme plongée dans la lecture du roman "Harry Potter" se pose des questions.

Le post précédent vous donnait plusieurs astuces méthodologiques pour vous débloquer face à l’écrit. Cela consistait à passer par le langage oral, celui que nous apprenons en premier. Au niveau cérébral, on observe en effet, grâce à l’IRM*, que la lecture d’une phrase ou son expression orale activent exactement les mêmes régions des aires cérébrales de la compréhension.

Lire : Compréhension : passer par l’oral pour comprendre l’écrit

Les zones visuelles et auditives ainsi que celles qui donnent le sens sont donc étroitement reliées et cela… depuis que nous avons appris à lire.

*: l’imagerie à résonance magnétique (IRM) est une des 4 techniques d’imagerie cérébrale qui permet notamment d’observer le cerveau en activité. On parle alors d’IRM fonctionnelle.

Au début de la vie, les sons et les premiers mots

En effet, dès la naissance, le bébé puis l’enfant découvre le langage par les sons qu’il entend et les mots qu’on lui adresse.

Une mère raconte une histoire devant un livre ouvert à son bébé de 1 an qui rit avec elle en regardant le livre.

Dès 18 mois, l’enfant commence à parler en répétant ces mots. Puis grâce à toutes les personnes qui prennent soin de lui 💛, le stimulent, lui racontent des histoires, il se constitue un premier stock de mots qui ne cessera pas de s’enrichir. Il connaît donc des sons, des mots, et en communiquant, il commence à en percevoir la signification. Il tourne la tête à l’appel de son prénom. Il sait que « oui » et « non » sont différents. Et il sent au ton de la voix de ses parents si ceux-ci sont contents ou en colère.
Dans le cerveau 🧠, tout cela active des aires auditives👂 qui s’adaptent bien sûr à la particularité de chaque langue maternelle. Quant aux zones visuelles 👀, à l’arrière du cerveau, elles sont principalement stimulées par la reconnaissances des formes et des visages.

Quand la lecture arrive

Quand l’enfant apprend à lire, de nouvelles connexions vont se faire entre les aires visuelles et auditives. Car « Apprendre à lire, c’est accéder, par la vision, aux aires du langage parlé », explique le célèbre neuropsychologue Stanislas Dehaene, dans la conférence* donnée au Collège de France le 15 mars 2023.

« Apprendre à lire, c’est accéder, par la vision, aux aires du langage parlé »
Pr Stanislas Dehaene

Dans le clip ci-dessous extrait de cette conférence, Stanislas Dehaene commence par indiquer les régions déjà activées par le langage parlé : l’enfant sait reconnaître les sons (phonèmes), il a déjà un peu de vocabulaire (lexique), il comprend et sait construire des phrases simples (syntaxe) et leur donne une signification (sémantique).

  • Conférence du 15 mars 2023 : Comment le cerveau se modifie-t-il quand on apprend à lire ? Conférencier : Stanislas Dehaene, Professeur du Collège de France. Cycle de conférences dans le cadre du programme « Agir pour l’éducation » (APE) : L’apprentissage de la lecture et ses difficultés

Une nouvelle aire cérébrale : la « boîte à lettres du cerveau »

Avec la lecture, le cerveau se transforme :

1/ L’oeil commence par « voir » des lettres comme des images ordinaires. Cela active les zones visuelles primaires situées dans le lobe occipital à l’arrière de la tête.

2/ L’enfant apprend alors à nommer les lettres, à les reconnaître, à les écrire et à les assembler pour former des mots. Bref, il apprend le codage de la lecture. C’est un apprentissage difficile qui provoque l’apparition dans l’hémisphère gauche d’une nouvelle aire qui n’existait pas jusque-là, l’aire de la reconnaissance visuelle des mots, ce que Stanislas Dehaene appelle la « boite à lettres du cerveau » 😉.

En rouge : l’aire de la reconnaissance visuelle des mots.

3/ Le jeune lecteur fait alors le lien entre les mots qu’il déchiffre et ceux qu’il utilise déjà dans le langage parlé. Comme il connait et comprend ces mots, la lecture lui donne un nouvel accès au sens du langage💡 .

Suivez l’explication de Stanislas Dehaene dans sa conférence :

Le saviez-vous ?
Chez des personnes illettrées (qui ne savent pas lire), l’aire de la reconnaissance des mots est absente car elle n’a pas été activée par l’apprentissage de la lecture. C’est ce que le Pr Stanislas Dehaene explique dans la suite de sa passionnante conférence que je vous invite à écouter en intégralité.

👉visionner l’intégralité de la conférence : Comment le cerveau se modifie-t-il quand on apprend à lire ?

Visuel et auditif restent liés dans la lecture

Lorsque la lecture est acquise, les connexions neuronales entre ces aires se font de plus en plus rapidement. La reconnaissance des mots et l’accès à leur sens s’automatisent. Mais le lien entre l’aire visuelle et l’aire auditive demeure. Avez-vous remarqué, par exemple, que lorsque vous lisez une phrase, vous l’entendez dans votre tête ? C’est ce qu’on appelle la « subvocalisation ».

Au départ, quand on déchiffre ou qu’on lit encore lentement, on prononce souvent le mot à mi-voix en le lisant. Puis on lit de plus en plus vite, et cette subvocalisation devient mentale. Mais peut-on l’éliminer complètement ?

Avez-vous remarqué que lorsque vous lisez une phrase, vous l’entendez dans votre tête ?

Les techniques de « lecture rapide » conseillent de le faire pour accélérer sa vitesse de lecture. Ce point demeure cependant largement contesté par les scientifiques et aussi tous les praticiens de l’écriture et de la lecture. Lorsque je lis un roman, par exemple, j’aime me laisser bercer par la musique et le rythme des phrases 🎵. Et pour écrire, je commence toujours par élaborer mes phrases en me les disant intérieurement. Lorsque leur rythme et leur « mélodie » me conviennent, alors je peux écrire.

Conseils aux lecteurs lents et aux faibles compreneurs

Si vous lisez lentement, le fait de prononcer les mots à mi-voix peut donc constituer une première étape indispensable à la compréhension. Evitez toutefois de le faire en mode « robot ». Si vous ânonnez les mots péniblement d’un ton monocorde, vous vous noyez dans une lecture qui ne vous permet pas de comprendre. Commencez plutôt par observer la ponctuation, la façon dont les mots sont regroupés, la longueur de la phrase. Situez le verbe pour saisir quelle est l’action, l’information centrale. Alors vous pouvez lire votre phrase avec le ton. Et vous en trouvez le sens !

En lisant plus vite, vous pourrez passer à subvocalisation mentale. Cela vous permettra certes d’accélérer l’accès aux connaissances. Car la vitesse de la lecture visuelle est bien supérieure à celle de la parole. Mais le langage parlé restera toujours le fidèle compagnon de l’écrit. Comme dans le ballet que dansent l’auditif et le visuel dans notre cerveau.

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Michèle Longour

Michèle Longour

Journaliste Education & Apprentissage, auteur et fondatrice du projet Méthodo Campus.

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