Que vous pensiez avoir une orthographe déplorable, correcte ou excellente, je vous rassure tout de suite. Pour atteindre le sans-faute dans un texte, nous sommes tous logés à la même enseigne. Il nous faut toujours relire attentivement, quand bien même nous n’aurions perçu aucune difficulté en écrivant.
Je sais que l’on omet souvent cette étape par manque de temps, par exemple à la fin d’une épreuve d’examen.
Mais c’est pourtant la seule façon de dénicher ces fautes « d’étourderie », ces accords oubliés ou ces énormes fautes grammaticales que notre cerveau a pu laisser passer. Alors, pourquoi ?
Lire l’article précédent : Comment avoir une très bonne orthographe ?
La faute à notre cerveau monotâche
Je l’ai sûrement déjà évoqué, mais nous avons vite tendance à l’oublier : notre cerveau est « monotâche », ce qui signifie qu’il ne peut effectuer qu’une action à la fois, ou une série de tâches orientées vers un même but : déchiffrer, lire et comprendre ce qui vient d’être lu par exemple. Si vous lisez un texte un peu difficile, vous vous concentrez d’abord sur le contenu, le sens : de quoi parle-t-on ? de quelles notions ? qu’est-ce que je comprends, que faut-il retenir ? Vous pouvez même noter l’information pour la garder.
Faites-vous alors attention à l’orthographe des mots qui décrivent la notion ? Non, pas vraiment, et c’est assez compréhensible puisque vous avez dirigé votre attention sur le sens et non sur la graphie des mots ou les règles orthographiques employées.
Changer de programme attentionnel
Pour vérifier que vous n’avez « écorché » aucun mot, il vous faut, si l’on peut dire, changer de programme attentionnel, c’est-à-dire donner au cerveau un nouvel objectif : celui de contrôler l’orthographe du texte. L’attention se focalise alors sur la façon dont les mots sont écrits, et l’on effectue la tâche complexe de vérification de l’orthographe de chaque mot. La mémoire de travail doit aller chercher des connaissances déjà mises en mémoire (par exemple des règles de conjugaison ou d’accord), ou bien les retrouver sur un support externe (dictionnaire), puis les comparer à ce qui est écrit et effectuer une correction éventuelle. Ceci exige, on le voit, une concentration intense et exclusive.
De même si vous souhaitez mémoriser l’orthographe de mots difficiles : il faut y prêter une attention particulière, bien encoder la particularité orthographique (un seul r au mot « couronne » par exemple) et utiliser une astuce mnémotechnique pour la retrouver à tout moment (en retenant la phrase « Un paresseux couronné caressait une carotte avec un air intéressé »).
Mettez vos lunettes de correcteur
C’est donc ce ciblage et ce « programme attentionnel » qu’il faut lancer après avoir écrit n’importe quel texte. Ceci exige une relecture spécifique, à distinguer d’ailleurs de la relecture du texte sur le fond qui permet de vérifier que l’on a correctement exprimé ses idées ou bien répondu à la question de l’énoncé.
Pour démarrer la relecture orthographique, il faut chausser vos lunettes de correcteur, et vous mettre en mode « chasseur de fautes ».
Allez-y lentement et mot après mot, ou groupe de mots par groupe de mots, en n’ayant pas peur de vous questionner intérieurement (« singulier ou pluriel ? est-ce un adjectif ? avec quoi s’accorde-t-il ? ») Personne ne vous entend, alors ne vous privez pas de revenir à vos astuces d’enfance pour retrouver les règles oubliées. « Participe passé ou infinitif ? Quand deux verbes se suivent, le deuxième est à l’infinitif », etc. etc.
Cela pourra paraître sans doute un peu artisanal à l’ère des correcteurs orthographiques automatiques (qui sont loin d’être inutiles). Mais croyez-en mon expérience : rien ne vaut cette relecture ciblée, concentrée et précise pour retrouver les dernières fautes.
Nos yeux sont parfois des passoires
J’ai eu l’opportunité dans ma carrière d’occuper dans des journaux de presse écrite le poste de secrétaire de rédaction. Le « SR » est le ou la journaliste qui peaufine les textes des rédacteurs, détermine la « titraille » (titre, sous-titre, intertitres), les accroches, vérifie la cohérence des chiffres et la véracité de certaines informations, puis veille à l’équilibre de la mise en page. A l’issue des multiples relectures du SR, le texte devrait donc être dépourvu de toute faute.
Or il n’en est rien (!) et d’ailleurs les grands journaux emploient également des correcteurs qui relisent ultimement tous les articles pour en extirper les dernières fautes d’orthographe.
Cela doit nous rendre très humbles, mais surtout très conscient des limites et des modes opératoires de notre cerveau : vous avez beau avoir une bonne orthographe, avoir mémorisé toutes sortes de règles et de mots, nos yeux, s’ils sont accaparés par d’autres objectifs mentaux, laisseront toujours passer des fautes. Et seule une relecture orthographique ciblée et attentive pourra finalement assurer le sans-faute.
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