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Le Media MultiTasking (MMT) rend-il moins attentif ?

Le fait de gérer plusieurs médias en même temps fait de nous des "MultiTaskers". Mais ce comportement multitâche rend-il plus efficace ? Pas sûr car cela semble au contraire perturber notre attention !
jeune femme souriante face à son ordinateur

Vous arrive-t-il de lire un article sur votre tablette ou votre ordinateur tout en guettant vos notifications sur votre smartphone et peut-être même en écoutant de la musique via vos écouteurs ? Tout le temps ? Assez souvent ? Alors vous êtes un « Media MultiTasker » (MTT), vous avez un fonctionnement multitâche dû à l’utilisation simultanée de plusieurs flux numériques entrants, comme des millions d’entre nous d’ailleurs.

Mais cela nous rend-il plus performants pour accomplir des tâches précises par exemple pour répondre à des questions, garder des informations en mémoire, faire des calculs ou suivre un raisonnement ? Pas sûr du tout, puisque même s’il peut passer très vite d’une tâche à l’autre, le cerveau les traite en réalité l’une après l’autre…

Les multitâches « lourds » plus sensibles aux distractions

Dès 2009, des chercheurs américains de l’université de Stanford ont même réalisé une étude* sur des étudiants montrant que ceux qui pratiquaient intensivement le multitâche (les MMT « lourds ») étaient en moyenne plus sensibles aux distractions que des multitâches « légers » : ils parvenaient moins bien à écarter des informations non pertinentes, gardaient moins de choses dans la mémoire de travail et – paradoxe absolu – étaient moins agiles pour passer d’une tâche à l’autre.

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Des résultats d’autant plus inquiétants que depuis 2009, le multitâche médiatique est presque devenu la règle dans la vie sociale et les méthodes de travail : de la vie étudiante au monde professionnel, nous sommes sans cesse poussés à jongler d’un écran à l’autre, entre smartphone, tablette et ordinateur, et d’un flux à l’autre. Or plusieurs études (voir références ci-dessous) ont confirmé le lien entre le MMT et une plus grande distractibilité. Plus inquiétant : le multitâche médiatique a également été associé à des problèmes de santé mentale : stress, dépression, anxiété, et difficultés à s’endormir.

La recherche ne fait que commencer…

Femme subissant un test neurologique

En même temps, ces études n’ont pas encore pu établir de lien de cause à effet entre le Media Multitasking et la distractibilité : est-ce à cause de leur consommation médiatique multitâche intense que certains sont moins attentifs, ou est-ce parce qu’ils sont plus distraits qu’ils adoptent un comportement multitâche ? Vous n’aviez pas pensé à vous poser la question ?

Les chercheurs, eux, savent qu’il faudra encore multiplier les études pour répondre précisément, car de nombreux facteurs peuvent influer sur les facultés attentionnelles : l’âge, le nombre d’heures passées devant les écrans, la nature de l’activité, la motivation, le sommeil et la fatigue…

D’où vient le problème : du média ou du multitâche ?

Il ne faut pas confondre non plus l’usage attentif et exclusif d’un média et d’une ressource unique (par exemple la lecture attentive de cet article en ligne, ou 1 heure de concentration absolue sur votre jeu vidéo favori) avec l’utilisation compulsive, brève et désordonnée de plusieurs médias en même temps, en mode marionnette.

C’est la divergence des objectifs qui ralentit le système exécutif du cerveau

Car ce n’est pas forcément l’écran qui pose problème dans le MMT, mais le multitâche, le fait de passer sans cesse d’un flux à l’autre, d’un réseau à l’autre et souvent d’un sujet à l’autre. Rappelez-vous par exemple que les gamers adeptes de jeux vidéo d’action contrôlent mieux leur attention que les non joueurs, selon de très sérieuses études de neurosciences.

En effet face à un jeu vidéo de tir, tous vos sens – vue, ouïe, mouvement – sont en alerte maximum, et vous êtes entièrement focalisé sur la mission en cours, les mains agrippées à la manette, prêt à dégainer pour éliminer le moindre ennemi. Ainsi concentré sur votre unique objectif, il faut vraiment un cataclysme pour vous arracher au jeu !

Suivre un cours en mode MMT

Multiracial students at high school campus using devices. Course preparation.

Tandis que si nous suivons un cours en surfant sur internet d’un côté et en guettant les notifications qui arrivent sur notre compte Instagram de l’autre, voire en envoyant des SMS (!), notre cerveau est sans cesse mobilisé par des objectifs divergents et sans aucun rapport les uns avec les autres : suivre le cours (et le comprendre), lire un article sur un autre sujet, cliquer sur une notification qui fait encore penser à autre chose…

Dans ces conditions, la « connexion » au cours est vite perdue et le système exécutif qui planifie dans le cerveau les tâches a fort à faire pour traiter les différents signaux puis nous reconnecter à la voix de l’enseignant. De précieuses secondes s’écoulent et l’on a bien souvent perdu « le fil » du cours. (« Bon, on en est où ?« ). Puis après deux ou trois interruptions similaires, une sourde fatigue s’installe et l’on se dit que l’on reprendra ce cours « à tête reposée ».

Connais-toi toi-même : la voie de la métacognition

Etudiante à son bureau dans sa chambre, en train de méditer les yeux fermés.

Vous vous retrouvez un peu dans cette description ? C’est un premier pas car si les indications fournies par les neuroscientifiques sont précieuses, c’est l’auto-observation de vos comportements qui peut vous indiquer si vous avez passé la cote d’alerte ou pas. Etes-vous facilement attentifs en cours ? Utilisez-vous le mode « concentration » de votre smartphone durant certaines tâches ? Gardez-vous vos réseaux sociaux toujours ouverts ? Avez-vous des problèmes de sommeil ? de stress ? Combien d’heures chaque jour passez-vous sur écran ? Etes-vous capable de vous concentrer longtemps sur une tâche en ignorant tout le reste ?

C’est en vous posant ces questions pour repérer vos difficultés et vos fonctionnements propres, que vous pourrez finalement adopter les meilleures stratégies d’apprentissage. Une démarche savamment appelée « métacognition » que Méthodo Campus propose d’expérimenter dans chaque module de méthodologie : repérer ses habitudes et ses difficultés, comprendre les stratégies cognitives concernées, tester de nouvelles habitudes, observer et garder ce qui marche.

Quelques références scientifiques pour aller plus loin :

  • * Etude « Cognitive control in media multitaskers » Ophir, E., Nass, C., & Wagner, A. D. (2009). Cognitive control in media multitaskers. PNAS USA106(37), 15583–15587. https://doi.org/10.1073/pnas.0903620106
  • Etude « Media multitasking and memory: Differences in working memory and long-term memory ». Uncapher, M. R., K Thieu, M., & Wagner, A. D. (2016). Psychonomic Bulletin & Review23(2), 483–490. https://doi.org/10.3758/s13423-015-0907-3
  • Etude « The minds and brains of media multitaskers: Current findings and future directions » Uncapher, M. R., & Wagner, A. D. (2018).  PNAS USAwww.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1611612115

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Michèle Longour

Michèle Longour

Journaliste Education & Apprentissage, auteur et fondatrice du projet Méthodo Campus.

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